Dans un contexte de population vieillissante, d'augmentation des pathologies chroniques et d'accroissement des inégalités territoriales, l'accessibilité aux soins est devenue un enjeu majeur de santé publique. Quelles sont les évolutions constatées en matière de démographie médicale et de besoins en santé ? Comment répondre aux défis majeurs qu’elles soulèvent ?
Ces dix dernières années, soit sur la période 2007-2017, les médecins inscrits au tableau de l’Ordre ont augmenté de 15 %, mais ceux en activité régulière ont stagné (+0,5 %).
La population française a continué à croître, sur un rythme annuel d’abord de 0,5 % sur le début de la période considérée, rythme qui a cependant ralenti, de l’ordre, à présent, de 0,3 % l’an.
La population française a augmenté sensiblement mais elle a aussi vieilli : depuis 1990, l’espérance de vie a augmenté, sexes confondus, de 6 ans et la population a augmenté de 6,5 millions d’habitants.
Certes, l’espérance de vie stagne ces toutes dernières années et le solde naturel (différence entre naissances et décès) n’a jamais été aussi faible depuis la Seconde Guerre Mondiale (164 000 en 2017 vs 302 000 en 2006). La fécondité baisse (1,88 enfant par femme). Mais en 2005, 1/5 de la population était âgée de plus de 60 ans et en 2015, selon un scenario de croissance et de fécondité moyen, les plus de 60 ans devaient représenter 1/3 de la population.
Les études prospectives démographiques présentent peu de risques d’erreur à court terme. La classe d’âge dite du baby-boom (1945-1975, les « Trente Glorieuses ») est tout à fait identifiée. Elle est en âge à présent de consommer des soins réguliers, dans un contexte souvent décrit comme une « épidémie des maladies chroniques », et par le vieillissement de la population, et par les progrès considérables de la médecine ce dernier demi-siècle.
Les besoins en santé ont donc considérablement évolué, et la place à présent dévolue à la prévention, tout au moins dans le texte de la dernière Stratégie Nationale de Santé, est à considérer avec le plus grand intérêt.
Dans ce contexte de mutation lente de la démographie de la population générale, quelles sont les enseignements de l’étude rétrospective de la démographie médicale des 10 dernières années ?
Depuis le début des années 2000, le paysage sanitaire français est souvent présenté dans certains territoires sous le prisme des déserts médicaux. Ce terme, non conceptualisé, [1] n’est pas abordé ainsi par le CNOM. Toutefois, notre institution milite depuis de nombreuses années contre les inégalités d’accès aux soins. Des aides et des mesures incitatives ont été ainsi mises en place mais sans véritable conséquence positive mesurable sur le paysage sanitaire français et l’accessibilité aux soins primaires.
Ces constats, qui à eux seuls pourraient être développés à l’infini, ont incité le Conseil National de l’Ordre des Médecins à mettre en ligne, en accès libre, une cartographie interactive, outil de diagnostic et d’aide à la décision. Celle-ci permet d’étudier cette démographie médicale depuis 2007, avec des emboîtements spatio-temporels.
[1] Les déserts médicaux n’ont pas de définition scientifique ou juridique.
L’accessibilité aux soins est souvent envisagée sous l’angle social mais doit être également abordée sous l’angle territorio-sanitaire.
Devenu un enjeu majeur de santé publique, l’accès aux soins est clairement identifié dans la stratégie nationale de santé comme étant une priorité dans la lutte contre les inégalités sociales et territoriales de santé.
Bien qu’il soit établi que la santé des populations est influencée et résulte de l’action des déterminants sociaux, les mécanismes complexes qui peuvent expliquer et entraîner la distribution inégale des problèmes de santé ne trouvent pas leur origine uniquement dans la sphère sociale.
Avec une démographie médicale vieillissante, le rôle important donné aux médecins généralistes dans le parcours de soins des patients alors que la profession se désertifie, une augmentation croissante des disparités spatiales de l’offre de soins, une augmentation exponentielle des pathologies chroniques… le patient rencontre de plus en plus de difficultés dans sa prise en charge avec parfois des errances dans son parcours de soins.
Il n’est plus rare, à la campagne comme à la ville, que des patients se retrouvent sans médecin traitant ou soient contraints de parcourir beaucoup de kilomètres pour une prise en charge.
Les distances d’accès se creusent dans des territoires qui rencontrent déjà de nombreuses fragilités tant sanitaires que sociales, culturelles et environnementales mais également économiques.
Ce sont également dans ces territoires que les populations sont vieillissantes et atteintes de pathologies chroniques remettant en cause l’accessibilité efficiente aux soins.
La lutte contre les inégalités sociales et territoriales de santé ne peut se faire, de façon efficiente, entre autres, que si la couverture numérique du territoire est homogène mais également si l’ensemble des facteurs contextuels du système de santé, de l’état et des déterminants de santé, du contexte socio-économique et de l’aménagement du territoire sont pris en compte dans leur globalité et en transversalité.
Le Conseil National de l’Ordre des Médecins se préoccupe depuis fort longtemps de ces inégalités territoriales d’accès aux soins. Pour lutter contre ces disparités et assurer un accès aux soins en tout point du territoire, le CNOM propose dix pistes d’actions majeures :
Il est établi que la démographie médicale et la territorialité doivent être abordées de pair pour assurer un accès équitable aux soins en tout point du territoire. A cet effet, la lutte contre les inégalités doit passer inéluctablement par l’approche des spécificités socio-territoriales et sanitaires.
Retrouvez cet article dans le N°69 de Responsabilité et téléchargez la revue en PDF
A lire aussi